Changer la façon dont les producteurs utilisent les pesticides

Photo crédits : Enquêteplus
A l’origine : une méconnaissance des dangers liés aux pesticides :
Si vous êtes consommateurs de fruits ou de légumes (laitues en particulier) venant des Niayes, vous ne pourrez jurer sans risque de se tromper que vous n’avez jamais absorbés des pesticides. De la manière dont ils sont utilisés par les producteurs, des quantités non recommandées se retrouvent facilement dans nos aliments. Les plantes cultivées font face souvent à de nombreuses attaques. Ces ennemis des cultures sont responsables, pour les céréales, de pertes de productions annuelles de 292.750 tonnes soit plus de 29 milliards de Francs CFA. Pour lutter contre ces derniers, les paysans ont alors recours à des produits, le plus souvent chimique, que sont les pesticides. Ils ont pu par leur action, contribuer à réduire les pertes et à stabiliser les rendements. Mais derrière cet effet bénéfique se trouve une panoplie d’effets néfastes aussi bien sur l’environnement que sur la santé publique.

Mais d’abord c’est quoi un pesticide ?
"Les pesticides sont des substances répandues sur une culture pour lutter contre des organismes (végétaux ou animaux) considérés comme nuisibles." Lorsque les êtres humains le consomment les pesticides se retrouvent dans les tissus adipeux. Ils sont responsables de troubles sanitaires graves et peuvent même déboucher sur un cancer. Cet effet étant, souvent, dans le long terme, il est difficile pour les paysans de croire aux dangers des pesticides. Et de fait, la théorie d’une probable machination de l’occident autour des pesticides renaît. « Nos femmes savent comment nettoyer les légumes, après lavage les pesticides peuvent disparaître». Une réponse servie par un paysan qui dénote tout ce déficit d’information. Les pesticides sont par ailleurs d’importants pollueurs des nappes souterraines. L’utilisation de ces pesticides dans les Niayes se fait dans une très grande anarchie. Pour cause, la plupart du temps, même les délais d'emploi avant récolte ne sont pas respectés. En effet aucune distinction n’est faite entre les pesticides à utiliser pendant la maturité des légumes et leur récolte. Aussi leurs dangers vient surtout du fait que ni les précautions d'emploi, ni les doses prescrites ne sont respectées. Les producteurs ne s’appuient pas trop sur les conseils de l’expertise. Il faut avouer cependant que cette expertise ne leur est pas toujours disponible . C’est souvent les résultats du voisin qu’on essaye de copier. Et c’est surtout par le "bouche à oreille" que les paysans se donnent des conseils mutuels sur l’utilisation des pesticides. 

Un Etat passif, un commerce anarchique, des paysans mal informés
Dans tout ça l’on est tenté de se demander que fait l’Etat? On a presque l’impression qu’il reste passif. Le conseil rural est aujourd’hui incapable de changer la donne en matière d’utilisation des pesticides. Non seulement le nombre n’y est pas mais les méthodes utilisées ne s’adaptent pas réellement aux réalités du monde rural. D'où l'intérêt, pour l'ETAT d'intégrer les TIC pour palier au déficit de personnel dans la vulgarisation agricole. La responsabilité des structures chargées de vendre ces produits n’est pas également à négliger. Dans leurs différents réseaux de vente, les vendeurs n’ont souvent qu’une connaissance légère des pesticides. Ils ne peuvent donc en aucun cas donner les bonnes informations aux acheteurs. Ces structures devraient être plus responsables dans la vente de leurs produits. 

Innovation dans le secteur
Il faut saluer la démarche adoptée par Timac Agro http://www.sn.timacagro.com/nous-connaitre/timac-agro-senegal.html  qui est une entreprise de distribution des produits phytosanitaires basée dans les Niayes. Cette filiale du groupe Rouiller, avec son important réseau de techniciens en plus de prodiguer aux paysans de bons conseils sur l’utilisation des pesticides, assure par la même la publicité de ses produits. Ce qui constitue une innovation de taille dans la vente des pesticides. Il existe peu d’initiatives visant à sensibiliser les producteurs sur les risques liés à l'utilisation des pesticides. Leur accompagnement technique est indispensable. Ebola tue, les pesticides également. Il est temps de changer la donne en matière d'utilisation des pesticides. Une solution serait aussi d’assainir le secteur en transformant les points de vente en « phytopharmacie » qui vendront sur présentation d’une ordonnance. Cela nécessite, cependant, de remodeler les vulgarisateurs et autres personnels du conseil rural. En outre la recherche sur des moyens alternatifs aux pesticides devrait être encore poussée. La lutte biologique s’offre comme une perspective prometteuse en terme de maîtrise durable des ennemis de culture. Cependant elle ne jouit pas d'un accompagnement réel de l'Etat. Pour le moment c'est surtout les ONG qui s’attellent à introduire les pratiques agroécologiques dans le monde rural.

Le marché des pesticides mérite un assainissement mais également plus de responsabilités de la part des acteurs. Au Sénégal, plus de 300 pesticides, contenant plus de 100 matières actives ont été identifiés. Pourtant, 120 seulement d’entre eux sont homologués. D’où l’urgence d’assainir par divers mécanismes et moyens pour rétablir la situation normale. Beaucoup de produits interdits circulent facilement dans le pays. Et c’est en étant sur le terrain que vous constaterez de visu qu’aucune mesure d’application stricte n’est prise. Cela ne m’étonnerait guère de croiser des OGM au Sénégal. A-t-on même les moyens de contrôler efficacement quand aucun des acteurs ne jouent son rôle?

PS : Les chiffres sont tirés du rapport de "l'étude socio-économique de l'utilisation des pesticides au Sénégal".

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